14 December 2021

Daniel Widlöcher

(1929-2021)

Par Roland Wiesmüller

It is with much sadness that the EPF Executive has to announce the passing of Professor Daniel Widlöcher. He died on December 14, 2021, at the age of 92 in Paris.

Daniel Widlöcher was a highly esteemed psychoanalyst, he made important clinical and theoretical contributions to the field of psychoanalysis. He was President of the EPF from 1979 - 1983, and he was President of the IPA from 2002 - 2006.

Before, he was one of the founding members of the French Association of Psychoanalysis (APF) in 1964, and he served twice as its President, 1974 -1975 and 2007 - 2008.  

The EPF will keep Daniel Widlöcher in grateful and honourable memory and we are in complete agreement with the following appreciative obituary by the APF and its President Dominique Suchet.


Daniel Widlöcher en disparaissant le 14 décembre 2021 a endeuillé l’Association psychanalytique de France (APF), et au-delà la communauté psychanalytique internationale.

Il avait été un des membres  fondateurs de l’APF en 1964, avec Jean Laplanche (1924-2012), Jean-Claude Lavie (1921-2020), en compagnie de W. Granoff, J.-B. Pontalis, D. Lagache et J. Favez-Boutonnier. Il en avait été deux  fois président  en 1974 et 1975 et en 2007 et 2008. Il en a été membre titulaire en 1971 et membre d’honneur depuis 2014.

Il  a été Président de la Fédération Européenne de Psychanalyse (FEP)  de 1979 à 1983 puis Président de l’IPA de 2002 à 2006.  Il y a succédé à Otto Kernberg et a précédé Claudio Eizirik.  

Daniel Widlöcher en disparaissant le 14 décembre 2021 a endeuillé l’Association psychanalytique de France (APF), et au-delà la communauté psychanalytique internationale.

Il avait été un des membres  fondateurs de l’APF en 1964, avec Jean Laplanche (1924-2012), Jean-Claude Lavie (1921-2020), en compagnie de W. Granoff, J.-B. Pontalis, D. Lagache et J. Favez-Boutonnier. Il en avait été deux  fois président  en 1974 et 1975 et en 2007 et 2008. Il en a été membre titulaire en 1971 et membre d’honneur depuis 2014.

Il  a été Président de la Fédération Européenne de Psychanalyse (FEP)  de 1979 à 1983 puis Président de l’IPA de 2002 à 2006.  Il y a succédé à Otto Kernberg et a précédé Claudio Eizirik.

Une formation en philosophie, un double doctorat en médecine et en psychologie, se sont alliés à une grande culture et un intérêt profond pour l’art, la peinture, la musique, la littérature pour maintenir tout au long de son parcours une interrogation toujours à l’affût, sur le fonctionnement du psychisme de l’homme. Il a exploré les mécanismes qui font que chaque destin humain singulier dessine un parcours propre, qu’une théorie unique ne peut jamais saisir.

Psychiatre à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) dont il deviendra plus  tard chef  de service puis professeur émérite de psychiatrie à l’Université il rencontre la psychanalyse avec Lacan à la Société française de psychanalyse (SFP).  Un choix guidé par la proposition de Lacan d’ouvrir le champ de la psychopathologie et des concepts freudiens sur  tous les autres champs des sciences humaines. Cependant Lacan en rompant en 1953 avec la Société psychanalytique de Paris (SPP) dont il était président du fait d’un conflit avec le directeur de l ’Institut de formation (S. Nacht), et en créant la  SFP (Société française de psychanalyse) avait inscrit de fait celle-ci en dehors de l’IPA. Une procédure de reconnaissance de la SFP par l’IPA conduit finalement à la  rupture de certains de ses membres  avec Lacan et à la scission de la SFP avec la création de l’APF en 1964. Et c’est sans doute par fidélité à ce principe de  refus de tout impérialisme de pensée que Daniel Widlöcher participe à la rupture avec Lacan, et activement à  la fondation de l’APF. Mais pas sans avoir été celui qui est allé le plus loin, le plus longtemps, pour tenter la conciliation, l’entente et la négociation, pour faire tenir ensemble les différends.

Dans cet esprit d’ouverture, de rencontre et de discussion Daniel Widlöcher  a poursuivi son engagement au service  de la promotion de la psychanalyse et  de la formation des psychanalystes. Toute sa carrière de professeur en psychiatrie a été entièrement dévouée au groupe hospitalo-universitaire Pitié-Salpêtrière où il a fondé, avec de nombreux élèves les bases d’un enseignement clinique et psychothérapique. Il a également enseigné la psychologie à la faculté de Lettres et Sciences humaines de Paris-Nanterre, Paris-Sorbonne et a été Directeur pédagogique du diplôme de Psycho-Pathologie à l’Institut de Paris V. Président de l’École des psychologues praticiens et de l’Association pour la méthodologie de la recherche en Psychiatrie. Président de l’Association psychologie et psycho-physiologie au CNRS et Directeur de l’Unité INSERM « Psychopathologie et pharmacologie des comportements ».

Mais d’abord psychanalyste et clinicien Daniel Widlöcher n’a cessé de témoigner que nous ne pouvons pas opposer les mécanismes de pensée de la vie psychique  à ceux de la pratique de la psychanalyse ni à ceux des dynamiques institutionnelles et sans doute non plus  à ceux de notre vie dite personnelle. On y a les mêmes idéaux, on y prend les mêmes risques, on y engage les mêmes qualités. Il a exploré les concepts métapsychologiques, les a confrontés aux avancées des champs scientifiques voisins. Il a surpris, interrogé, dérangé mais toujours enrichi les réflexions en ouvrant des horizons quand on croyait que l’affaire était entendue.  Au-delà d’un accord, l’important n’était-il pas de convaincre qu’une démarche scientifique passe par des débats, des remises en cause  et que, selon lui, seule l’interdisciplinarité permettrait d’entrevoir les conditions du changement. Parce qu’au fond  c’est sans doute la  question  du changement et des résistances au changement  qui traversent  son  œuvre. Le changement avait pour lui un territoire indiscutable, celui de la psychopathologie, et il n’y a  qu’à regarder les titres des revues de psychanalyse que Daniel Widlöcher a initiées ou dirigées : Avec Pierre Fédida : La  revue internationale de psychopathologie  (PUF) en 20 numéros de 1990 à 1995 propose avec des travaux en anglais et en français un instrument de travail de haut niveau permettant des échanges et des confrontations théoriques internationales ; ou les titres de ses ouvrages  depuis Métapsychologie du sens Ed. PUF 1986, Traité de psychopathologie, PUF, 1994 ; Les nouvelles cartes de la psychanalyse, Ed. Odile Jacob 1996 ;  Clivage et sexualité infantile dans les états limites, Nouveau paradigme pour la psychanalyse ? PUF, 1999 ; Sexualité infantile et attachement, PUF, 2001 ; La psychanalyse en dialogue, Ed. Odile Jacob, 2003 ;  Les psychanalystes savent-ils débattre ? Ed. Odile Jacob, 2008 ; Psychanalyse et psychothérapie Ed. Erès, 2008.

Il promeut une interrogation vivante  des conceptions théoriques donc pour s’opposer au dogmatisme, mais aussi une interrogation vivante des conditions institutionnelles que nous  nous donnons  pour assumer notre mission de transmission de la psychanalyse. Daniel Widlöcher  de même qu’il a mis sa conviction de la nécessité pour les analystes de rendre compte à une communauté au principe  de la création de l’APF en défendant son appartenance à la communauté psychanalytique internationale, de même il s’est engagé dans la vie psychanalytique internationale.  Lorsqu’il était président de l’APF il proposait des rencontres entre sociétés ou des discussions interdisciplinaires tout en prenant les positions les plus strictes à propos des modalités de la formation dans la fidélité freudienne la plus orthodoxe, et il a dans le même esprit été président de la Fédération Européenne de Psychanalyse (FEP), puis président de l’Association Psychanalytique Internationale (IPA). Il y a promu la défense  de la doctrine analytique en alliant un souci de pluralisme et un refus de la banalisation des concepts et des pratiques. Il a fait valoir ce qu’on pourrait appeler « une diversité rassemblée » des modèles de formation. Il a été l’initiateur du mouvement des « Trois Modèles de Formation » qui ont été définitivement adoptés en 2007 lors du Congrès de Berlin sous la présidence de Claudio Eizirik. Ceux qui ont travaillé avec lui dans le bureau exécutif de la FEP ou  de l’IPA témoignent de sa « force tranquille », il ne perdait jamais son calme et restait toujours amène et respectueux de l’autre même lors d’affrontements d’idées.

Attentif au désir conjoint d’émancipation et d’appartenance des psychanalystes il a également accueilli et soutenu le désir de collègues désireux de fonder de nouvelles Associations de psychanalyse par le monde, ou en France avec la Société Psychanalytique de Recherche et de Formation (SPRF) lorsqu’elle s’est constituée en Study Group en rupture avec le IVème Groupe avant d’être reconnue Société de l’IPA en 2005.

Tout au long de son parcours Daniel Widlöcher n’a cessé de transmettre ces qualités essentielles : l’exigence de la curiosité avec son refus de toute  pensée unificatrice, et le désir d’action. Sa proposition  incarnée  pour penser que la psychanalyse qu’il aimait et que nous aimons est à la fois une théorie et  une pratique de la communication, une théorie et une pratique de la rencontre, ne craignons pas les mots, et une pratique de  l’écoute où il se fait un  travail très spécifique qu’il a appelé co-pensée au service de l’émergence du sens est cette chose si simple et claire que les psychanalystes qui l’ont rencontré et ceux qui le liront garderont.

Dominique Suchet

Présidente de l ‘Association psychanalytique de France


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