14 May 2025
Marilia Aisenstein (1946-2025)

Chères et chers Collègues, Nous avons l’immense tristesse de vous faire part du décès de Marilia Aisenstein, née Averoff, ce 14 mai 2025. Philosophe de formation, membre titulaire formateur de la SPP depuis 1992, elle en fut la présidente entre 1995 et 1998, et travailla à faire obtenir à la SPP la Reconnaissance d’utilité publique. Membre formateur de la Société hellénique, elle gardait une activité de formation en Grèce. Membre associée de la British Society, elle animait plusieurs groupes cliniques avec de nombreux collègues étrangers. Son activité clinique fut orientée vers la psychosomatique, elle participa au développement de l’IPSO aux côtés de Michel Fain et Pierre Marty, puis avec Claude Smadja et Gérard Szwec. Inspirée aussi par la collaboration avec Benno Rosenberg, elle s’intéressa tout particulièrement à la place du masochisme et de la douleur dans le fonctionnement psychique ; son ouvrage paru en 2020, « Désir, pensée, douleur » reprend ses écrits à ce sujet. Lauréate du prix Bouvet en 1992, elle a écrit de nombreux travaux en français, anglais et grec. Son inépuisable énergie, sa combativité, sa générosité relationnelle et son intelligence des situations institutionnelles sont à l’origine de liens précieux tissés avec de nombreux collègues dans le monde entier. Sa sensibilité et son art pour exprimer clairement sa pensée lui ont permis de diffuser la psychanalyse française, et de devenir une référence pour de nombreux collègues dans le monde. La SPP adresse ses condoléances émues à sa famille, à ses proches et à ses amis. Emmanuelle Chervet, Présidente de la Société Psychanalytique de Paris
HommagesMarilia Aisenstein-Averoff nous a quittés le 14 mai 2025 à Paris. C’est une immense perte pour ses proches et pour la psychanalyse, en France comme à l’étranger. Marilia Aisenstein réunissait en elle une finesse d’écoute psychanalytique, une pensée clinique et théorique et un rare talent pour l’institution. Elle connaissait chacun, chacune individuellement et amicalement, et était appréciée et connue internationalement. Son influence reste immense. Née, en 1946, à Alexandrie, où son père était diplomate, puis arrivée en France à l’âge de 5 ans, elle était issue de deux familles grecques illustres, comptant parmi leurs ancêtres des hommes politiques influents, des intellectuels ainsi que des négociants et des grands bienfaiteurs qui ont marqué l’histoire de la Grèce pendant un siècle. Elle avait hérité d’eux le goût de la politique, d’où sa capacité à porter et élaborer la conflictualité dans les institutions psychanalytiques, et à s’engager envers les distorsions sociétales. Elle alliait une vision tolérante et créatrice du psychisme humain à une exigence déterminée, parfois combattante, en ce qui concernait les dysfonctionnements institutionnels et sociaux. Philosophe de formation, Marilia Aisenstein a été formée à la Société Psychanalytique de Paris dont elle était membre titulaire formateur depuis 1992. Elle fut Présidente de la SPP entre 1995 et 1998 et a obtenu pour la SPP le statut de Reconnaissance d’Utilité Publique en 1997, une première pour une société de psychanalyse. Elle était également membre titulaire formateur de la Société Hellénique de Psychanalyse et Distinguish International Fellow de la Société Britannique de Psychanalyse. Secrétaire Scientifique du Congrès de Psychanalyse de Langue Française de 2015 à 2023, elle a accompagné magistralement Bernard Chervet dans l’animation de cette activité majeure pour la psychanalyse francophone. Très vite impliquée dans l’Association Psychanalytique Internationale, d’abord comme Représentant européen du Board à trois reprises, puis en tant que Représentant pour l’Europe au Comité Exécutif, elle fut Présidente du Comité international des Nouveaux Groupes (ING), puis des ING pour l’Europe. Elle a œuvré aux côtés de Daniel Widlocher, Président de l’Association Psychanalytique Internationale, pour y faire reconnaitre le modèle français. Sa curiosité intellectuelle, son intérêt pour tout ce qui peut faire obstacle à la dynamique de la vie psychique l’a conduite à s’intéresser tout particulièrement à la clinique des psychoses et des états-limites au Centre de Psychothérapie et de Psychanalyse de l’Association de Santé mentale du XIIIème arrondissement de Paris, auprès d’Evelyne Kestemberg, puis à la clinique psychosomatique à l’Institut de Psychosomatique de Paris. Pour la clinicienne qu’elle était ces deux champs de la psychopathologie avaient en commun une destructivité qui nécessitait des modifications de cadre et de technique analytiques et une approche théorique spécifique avec l’apport de nouvelles conceptualisations. Son profond engagement et sa passion pour la psychanalyse s’ancraient dans une parfaite connaissance de la métapsychologie freudienne et des théorisations post-freudiennes contemporaines. Entrée, en 1978, à l’Institut de Psychosomatique de Paris, elle a travaillé avec les fondateurs de l’École de Paris, l’IPSO, (Pierre Marty, Michel Fain, Michel de M’Uzan, Christian David, Denise Braunswchweig). En 1991, elle a fondé avec Claude Smadja et Gérard Szwec la Revue Française de Psychosomatique. Pendant 30 ans, avec Robert Asséo, Alain Fine, Jean-Paul Obadia elle a formé plusieurs générations de psychanalystes psychosomaticiens, en France et à l’étranger. Elle n’a cessé d’œuvrer pour faire connaitre la pensée psychosomatique dans le monde anglo-saxon et latino-américain en faisant traduire en anglais et en publiant les textes fondamentaux (Psychosomatics today. Psychoanalytic perspective). La pensée de Marilia Aisenstein s’est aussi beaucoup inspirée de l’œuvre d’André Green, avec lequel elle a travaillé pendant plusieurs années, en accord avec ce qu’il avançait à propos du travail du négatif. Elle s’est aussi inspirée des travaux de Benno Rosenberg pour développer une conception originale du noyau masochiste érogène primaire, qu’elle considère fondamental pour le fonctionnement mental, notamment pour le travail de mentalisation dès l’aube de la vie. Son goût pour la littérature japonaise, où il s’agit d’éprouver une profonde douleur avec une grande retenue, témoigne de son intérêt pour le concept du masochisme érogène. Elle a réuni ses travaux sur la douleur et le masochisme dans un ouvrage traduit en plusieurs langues : « Désir, douleur, pensée : Masochisme originaire et théorie psychanalytique ». Ses dons d’ambassadrice, ainsi que sa grande curiosité intellectuelle lui ont permis de faire coexister, en une synthèse originale et cohérente, plusieurs auteurs et modèles théoriques différents, sans rien leur faire perdre de leur rigueur. Dans sa pratique analytique comme dans ses activités de transmission, dans les très nombreuses supervisions qu’elle a menées dans le monde entier, ses conférences, ses écrits, comme dans ses choix pour la vie institutionnelle de la SPP et de l’API, elle n’a cessé de renforcer et d’enrichir l’axe du travail de mentalisation. Pour toutes ses qualités exceptionnelles, elle était connue et appréciée internationalement. Son talent analytique, la solidité de sa pensée clinique et théorique, son sens extraordinaire de ce qui est nécessaire au bon fonctionnement des institutions, l’amenaient à toujours chercher à mettre en lumière et développer le meilleur chez ceux qui ont eu la chance de la rencontrer et de travailler avec elle. Nombreux sont les collègues qui reconnaissent lui devoir beaucoup. Elle avait un talent peu commun pour entretenir des relations interpersonnelles où sa capacité à dire ce qu’elle pensait n’entamait en rien sa grande tolérance et une élégance jamais démentie qui suscitait l’admiration. C’est ainsi que depuis plus de 20 ans, elle organisait avec Robert Michels et Dorothy Holmes, un CAPS réunissant tous les ans, une année à Paris, une année à New York, des collègues français et américains. Le dernier, organisé avec Bernard Chervet, s’est tenu à Paris, les 3 et 4 mai 2025 ! Par ailleurs elle a entretenu des relations amicales et scientifiques avec des psychanalystes éminents du monde entier. Son immense culture littéraire, cette capacité de mise en lien de pensées d’inspirations différentes qui la caractérisait, lui conférait une grande liberté et une façon particulière d’exprimer ses idées. Elle excellait dans les incisions pertinentes. Elle le faisait d’une manière claire et concise, avec une économie de mots, une beauté de la langue, reconnaissable aussi bien en français qu’en anglais ou en grec. Ce style très personnel est à l’œuvre dans ses écrits. Il permet au lecteur de saisir l’implicite de ses descriptions cliniques et de comprendre le fonctionnement psychique du patient à travers celui de l’analyste, la formulation de ses interprétations, ses constructions. Elle a publié 170 articles et plusieurs livres et ouvrages collectifs sur le corps, le transfert, le contretransfert, la maladie psychosomatique, le masochisme, dans de très nombreuses langues et elle préparait avec plusieurs collègues la publication d’un Dictionnaire de la psychosomatique. Cette grande dame de la psychanalyse, notre amie, Marilia Aisenstein-Averoff, nous manque déjà. Marina Papageorgiou, Josiane Chambrier-Slama, Bernard Chervet |